Chroniques

L’alcool (au volant)

Écrire un papier pour cette émission est chaque fois pour moi une angoisse profonde où le doute enlace la dépression et, chers auditeurs, chaque nuit qui précède l’enregistrement, je dois vous avouer me livrer à une masturbation douloureuse et sordide de mon absconse imagination pour pouvoir dès le lendemain soir vous servir ma semence fastidieuse et confuse dans vos oreilles utérines. Je dois vous avouer aussi que si, de ce rapport peu banal devait naître un enfant, il serait en danger. Parce que deux heures avant cette éjaculation qu’est la lecture de ma chronique, soit une heure et quart avant et ¾ d’heures pendant l’émission tandis que mes collègues parlent de trucs super politiques que je comprends rien, j’encule mes manques de confiances à coup de rouge qui tâche ou de pressions qui me la font retomber… La pression. Oui, je bois et je suis plein d’ivresse devant ce micro public. Et me voilà torturé entre deux sentiments. La peur de moi et celle de mourir. Car, après cette épreuve éthylique, tel un DSK après avoir fait l’amour, je rentre ensuite chez moi et en voiture, et je sais, c’est pas bien après tant d’excès…

Chaque année en France, plus de 1000 personnes n’arrivent pas à destination au volant de leur bagnole après avoir trop bu. Aussi vrai que dans la forêt, le cri du cerf quand il est en rut, c’est un brame, dans les platanes, le prix du sort quand il est en route, c’est un drame.

Heureusement, le gouvernement a pris LA décision qui allait me sauver et m’apaiser. A partir du 1er juillet, enfin, on ne se tuera plus en voiture à cause de l’alcool grâce à cette loi qui va sans aucun doute tout changer : On va tous être obligé de posséder un éthylotest dans son véhicule, et ça, c’est une vraie révolution. En tout cas, une vraie ressource supplémentaire de revenu pour l’état et pour les fabricants d’éthylotest. 37 millions de véhicules en France, un éthylotest par véhicule à 1 euro 50 en moyenne, ça fait un marché de 55 millions d’euros, et une TVA à 11 millions d’euros. Sachant évidemment, que contrairement aux triangles ou aux gilets jaunes, l’éthylotest, s’il est dans la voiture, c’est fait pour s’en servir, et c’est là, telles mes activités nocturnes préalables aux émissions, que l’idée est juteuse…

Pour être plus clair, prenons un exemple concret et parfaitement parlant. Moi. Je vais faire une chronique à pas plus haut que le bord, je l’écris, je l’assume pas, comme je l’ai expliqué plus haut, je me branle l’esprit, je bande, j’ai honte, j’arrive à l’émission, je bois, j’éjacule mon papier, et je rebois encore, et je repars chez moi, soulagé, vidé mais complètement bourré, et tu métaphore là il te semble bon. J’ai dans ma boite à gant, tel que la loi l’exige textuellement un éthylotest non usagé et disponible immédiatement, et là, se présentent à moi deux scénarios. Le premier, c’est que je suis tellement bourré que je me dis à quoi bon perdre un euro cinquante si c’est pour que ce truc en plastique me raconte et me ressasse ce que je sais déjà, ça va, j’ai 40 ans, t’es pas ma mère, merde ! Le deuxième scénario, plus rationnel, c’est que, ça va, ok, j’ai bu, mais bon, j’ai bien mangé, je fais du sport, je suis grand et gras, et je mets un bob, (oui, mon fils m’a dit que quand tu bois trop de vin, le bob l’éponge), donc, je sais pas trop si je peux prendre le volant, je souffle dans le truc, il se trouve que le truc, il me dit que je peux conduire, et donc je conduis, et comme par hasard, je me fais arrêter par les flics. Et là, dans toute ma fierté arrogante, avant que les farces de l’ordre ne me fassent souffler, je brandis ma preuve à un euro cinquante que mon foie est de très bonne foi, mais j’en oublie l’essentiel : je suis un citoyen sobre et discipliné, mais, en infraction, vu que du coup, je n’ai plus sur moi d’éthylotest non usagé, étant donné que je viens de l’usager précédemment, faut suivre. Et là, ils me mettent 11 euros d’amende. Conclusion, c’est pas un éthylotest qu’il faut avoir dans sa voiture, mais plein. Ce plein qu’on multipliera par 55 millions d’euros susdits, ça commence à devenir intéressant pour certains.

11 euros donc, mais comparé aux 135 euros d’amende prévus pour l’absence de triangle ou de gilet jaune, on voit bien quand même que pour les autorités il est 12,27 fois plus dangereux de tomber en panne en voiture que de boire au volant… no comment…

On voudrait donc nous faire croire qu’on va combattre la violence routière grâce au port obligatoire de l’éthylotest ? On veut nous faire croire que le mec bourré comme un polonais va pas conduire parce qu’après avoir soufflé dans son machin il prendra conscience du danger ? Bien sûr que c’est dangereux, mais est-ce vraiment l’alcool qui est dangereux ? N’est-ce pas simplement les voitures qui sont dangereuses ou tout simplement pas adaptées ? Aujourd’hui, on nous propose des voitures qui parlent et qui nous hurlent une insupportable sirène à la moindre détection d’une ceinture non enclenchée, d’une porte ouverte, on nous fabrique des voitures qui savent quand il fait nuit ou quand il pleut, des voitures qu’il faut avoir un Bac + 10 en génie informatique pour réparer la moindre fuite d’huile, et on veut combattre l’alcoolisme au volant avec un éthylotest dans la boite à gant ? Pourquoi ne pas faire plutôt des voitures dont les sièges seraient, par exemple, entièrement convertible en couchette confortable, avec dans la boite à gant un distributeur de café et de Doliprane, et pourquoi pas à la place de l’Airbag passager, une poupée gonflable qui assurerait une compagnie agréable et une pipe en sus, tout cela afin de dissuader l’éthylique conducteur de prendre le volant trop rapidement ?

Mais non, c’est toujours pareil ici, on préfère la répression à l’éducation. Car on ne sait plus boire, mais c’est pas notre faute. Les gens sont déprimés, ils ont besoin d’oublier qu’on les prend pour des cons, et on ne boit plus pour le plaisir, mais pour s’oublier. La fermeture des bars de plus en plus tôt, l’interdiction de boire dans la rue ou de vendre de l’alcool après 22h00, la gueule de Claude Guéant à la télévision, ont fait naître un phénomène nouveau, notamment chez les jeunes, qu’on appelle l’alcoolisation paroxystique intermittente, ou binge drinking : Le principe est basique : absorber en un minimum de temps un maximum d’alcool. C’est aussi idiot qu’un joueur de l’équipe de France de football, et je crois qu’il faut revenir aux sources, instruire…

Pourquoi ne pas instaurer dans les écoles des cours d’éducation bachique (bachique étant l’adjectif relatif à Bacchus et à son culte) pour réapprendre l’ivresse, la douce, l’essentielle, la spirituelle, qui ouvre les cœurs et couvre les heurts, cette ivresse merveilleuse qui euphorise, sociabilise, qui fend la bise et galvanise la lettre à Elise, qui à jeun, épuise et démoralise. papapapapapapa (air de lettre à Elise). Oui, sobre, la lettre à Elise, c’est très chiant. Le vin est créateur de bonheur quand il est bu à raison, et c’est un prodigieux instrument pour l’apprentissage de la maîtrise de soi, un fabuleux moyen pour tester le sens de la responsabilité de chacun. Le vin milite pour nos limites. Le vin, si c’est bien bu, et bien, c’est bien bon, même si dans l’abus, ça rend bien con.

Oui, depuis toujours le vin est bon, c’est un produit naturel et il fait parti de l’essence de notre culture. Dans l’antiquité, le vin avait un Dieu qui lui était entièrement consacré, Dyonysos chez les grecs, Bacchus chez les romains. Dites-moi, ont-ils eu idée de créer un Dieu de l’eau gazeuse que s’apelerio Quezac ? Et bien non ! Et plus tard, puisque nous sommes à la chapelle, Jesus himself, en pleine noce, n’a-t-il pas fait tirer du vin à la place de l’eau, voulant peut-être ainsi venger sa vierge mère qui avait toujours fait attention de ne jamais se faire tirer, mais ceci en vain, puisqu’il au final, il est né le divin enfant. Aussi, dans le premier testament, on y trouve ceci dans le cantique des cantiques chapitre 7-9 :

« Que tes seins soient comme les grappes de la vigne, Le parfum de ton souffle comme celui des pommes, Et ta bouche comme un vin excellent,…Qui coule aisément pour mon bien-aimé, Et glisse sur les lèvres de ceux qui s’endorment! »

Et merde, je bande, et c’est la bible qui me fait ça, c’est insensé, quel pouvoir merveilleux, que nous offre le vin !

Et encore, pas plus tard que la semaine dernière, j’ai lu dans le monde.fr cette étude qui démontre de manière empirique qu’un homme ayant bu un verre est plus prompt à résoudre des énigmes que son homologue sobre. les chercheurs ont proposé une série de casse-têtes à 40 jeunes hommes en bonne santé, dont la moitié avait consommé deux pintes de bière. Et bien les buveurs ont été plus 40% plus efficaces et surtout plus rapides car l’alcool freinerait la pensée rationnelle, en permettant de trouver des solutions plus inventives aux problèmes. Oui, l’alcool rend plus intelligent, le tout c’est de savoir rentrer à vélo ! Et ce soir, devant vous, encore une fois, putain ! vous pouvez pas savoir comment que je me sens super intelligent ! Et d’ailleurs, pour célébrer cette excellente nouvelle, dimanche, c’est décidé, je vais voter rouge, rouge qui fâche. Et pour ceux qui ont peur de faire comme moi, dites vous qu’au moins, dans le chars russes, l’éthylotest ne sera pas obligatoire. Allez, santé…

 

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