Chroniques

La douche pour tous

Si cette musique à la ligne de basse généreuse et aux toutouyoutou exagérés ne vous fait pas réagir ou ne vous provoque, Messieurs, aucune érection nostalgique, c’est que, soit vous êtes trop jeune, soit, j’ai très bien compris, monsieur, pourquoi tu t’intéresses de très près au débat sur le mariage pour tous. Pour tous les autres mâles, qui dans les années 80 se sentaient plus erectus qu’homo, cette musique vous renvoie forcément à de moites émois.

Composé par Alain Gorraguer, qui a quand même travaillé avec Ferrat, Vian, Lapointe et Gainsbourg, ce toutouyoutou pawpaw chavirant n’est autre que le générique de la première émission de gym à la télé : Gym Tonic. Tous ceux qui étaient vivants entre 1982 et 1986 et qui, donc, s’intéressaient un tant soit peu aux femmes, se souviennent de ce générique de fin où l’on pouvait voir Véronique et Davina, ces 2 précur-suceuses de l’aérobic cathodique, prendre ensemble une douche, nue, en se prélassant sur ce toutouyoutou paw paw paw, le gel douche charnel, le regard efflorescent et l’humidité contagieuse, n’oublions pas qu’elles sont nues sous la douche et canal plus n’existait pas encore, et oui, j’ai connu cette époque, ça ne se voit pas à la radio, je sais, je fais beaucoup moins…

Les images ont fait le tour du monde et les cornes des mains…

Mais soyons clair. Cela ne m’a jamais intéressé de savoir si après ce générique troublant, Véro-nique Davina. Des filles qui prennent des douches ensemble, il en existe tous les jours. Des hommes aussi. Je le sais. Je fréquente des salles de gym, des piscines, des gymnases, et je prends régulièrement des douches collectives pour nettoyer mon corps de toute son adipeuse affection à l’effort. D’un coté les vestiaires des filles, de l’autre celui des mecs, tout semble normal pour tout le monde. Mais le normal n’est pas immuable. C’était normal qu’il y ait des bus interdits aux noirs, c’était normal qu’on fasse payer les assurances voitures moins chères aux femmes. Oui, ça l’était. Non, ça ne l’est plus.

Alors, je suis d’accord, aujourd’hui, on veut légitimer le fait qu’une femme puisse aimer une autre femme, et vice versa un homme, un autre homme, le vice au verso.

Mais voilà. J’ai un souci. Si aujourd’hui, on m’oblige à prendre ma douche collective à l’abri de l’attention d’une femme, c’est certainement pour ne pas éveiller en elle le désir profond et inéluctable que mon corps lustré par le sel de mes sueurs lui inspire. Pour éviter que son regard ne s’égare sur le rail courbé de mon train arrière et que prise au piège, je ne déraille, dès que je la vois ferrée. (2. SNCF)

Et pourtant, à chaque fois que je dois me décrasser dans cette douche commune, je m’interroge. Je m’interroge chaque fois, dans ce vestiaire, à ce moment précis où je dois ôter le dernier rempart de ma pudeur, quand, face à ces squasheurs ou culturistes aussi inconnus qu’également nus, se dévoile enfin au grand jour ma fierté patriarcale, mon intimité ancestrale, Mon « Lou Raide », comme aimaient l’appeler mes copines de Fac, « mon vil vit underunderground »…(3. Lou_Red ) « take a walk on wild side, hey honey », que je leur disais, ah ,qu’on était con et insouciant, mais qu’y puis-je si je n’ai rien à envier aux militaires de Bamako, je sais, ça se voit pas à la radio, mais je fais beaucoup moins aussi…

Bref, une fois à poil dans ce musée clos, de testostérone fétide, la même angoisse, la même interrogation, la même vérité en face… Forcément, sur les dizaines des mecs avec qui j’ai pris une douche, y’en a au moins un qui, sexuellement, est pédé sans équivoque ! Rien de mal à cela. Ce n’est pas tellement une gêne qui m’étreint, mais l’absurdité de la situation. Lui, qui préfère les hommes, sera toujours au première loge de ses primaires envies. Lui, il a le droit de fourrer impunément son regard dans mon cul offert à mes mains savonneuses, à mes cuisses savonnées et à ma bite ça-vaut-l’coup.

Merde, et à moi, dans ce cloisonnement des genres , on me l’interdit !

Merde, moi l’hétéro assumé, convaincu et incorruptible, moi, défenseur des droits de l’homme et de la liberté de la femme, moi, qui trouve assez con qu’on veuille défiler pour le mariage, mais tellement normal que l’on veuille s’enfiler entre tous, moi qui ai des amis qui croient encore que Hugo Chavez est l’avenir de l’homme, moi, je me retrouve prisonnier de toutes mes tolérances et de mes paradoxes…

Au nom de l’article 1 de la déclaration universelle des droits de l’homme, nous sommes égaux en dignité et en droits, mais très visiblement, il est clair que sous les douches collectives, non.

Hier encore, Obama, dans son discours d’investiture, défendait avec vigueur le droits des homosexuels, appelant à les traiter par la loi comme tout le monde. C’est super beau, mais encore une fois, pas un seul mot sur les douches mixtes.

Idem, le couple franco-allemand qui fête en ce moment les 50 ans d’une amitié sans ambiguïté : pas un mot sur les douches collectives, Angela, pas un mot, alors que pardon, mais c’est quand même certainement un peu à cause de quelques anciens enculés de barbares de chez vous, que les douches collectives mixtes ont une mauvaise image, au temps où il était plus facile d’être en dépression que anti-Zyklon…B en l’occurrence.

Quelle belle occasion de perdue pour se refaire une image redemptrice, mais non, de mon problème, pas un mot, nada, nichts, und sheisse Frau Angela à la fin !!!

Serais-je seul dans ce combat essentiel et sans merci ?

Alors, amis homos, c’est donnant-donnant, je vous propose un truc. Je signe des deux mains le mariage pour tous, mais en échange, soutenez-moi dans ce projet formidable qui me tient tant à cœur : Descendons dans la rue, révoquons tous ces : « quand y’a de l’hygiène y’a pas de plaisir », et revendiquons ensemble LA DOUCHE POUR TOUS ! ET paw paw paw

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