Chroniques

J’essuie Charlie

A cet instant précis, nous sommes plus 7 milliards d’êtres humains vivants. Dans exactement 142 ans et de manière super exhaustive, sauf accident, pas un seul parmi ces 7 milliards ne répondra à l’appel. Complètement renouvelé le cheptel humain, tous égaux qu’on finisse d’os ou de cendre, nous devons tous descendre à la même station, horizontale. Blancs, noirs, protestants, musulmans, patrons méprisants, ouvriers oppressés, Franck Ribery, Violetta, La reine des neiges, TOUS, libérée, délivrée, je ne chanterai plus jamais… Et ça, c’est demain, alors, merde, est-ce que ça vaut le coup de se faire engueuler quand on rentre un peu tard du bistrot avec les potes, de se faire dessus quand on demande un peu une augmentation, de se faire prélever des agios quand on est un peu à découvert, de se faire tabasser quand on est un peu juif, un peu pédé ou beaucoup femme ?
Oui, car, si ça fait quelques mois que j’ai quitté cette antenne pour des raisons de paternité multiple fruit d’une fécondité abondante, sachez que je n’ai pas beaucoup évolué, toujours et plus que jamais, dans cette vie, deux seules préoccupations m’habitent, l’autre c’est la femme.
Et c’est exactement ce que j’ai dit à ma copine dimanche, journée internationale de la femme : « Tu sais, on devrait beaucoup relativiser nos angoisses et nos tourments, nos haines et nos mépris. Tu sais combien il lui reste à vivre à Florence Arthaud. Personne ne le sait et encore moins elle, mais je crois savoir qu’il est grand temps qu’elle en profite un max. Alors, pourquoi, lui évoquais-je habilement, ne profiterions-nous pas de cet instant fugace et précieux que la vie nous offre pour faire un peu plus de sexe ensemble ? »
Fort de cette certitude qu’il valait mieux en profiter maintenant qu’après, tiens, je bois un coup, elle me dit, ah mais oui, c’est une bonne idée, et puis moi, avec toi ça fait longtemps, mais alors je vois pas du tout le rapport avec la journée de la femme.
Je lui dis, laisse tomber, c’est juste parce que j’ai écrit un texte pour la radio et que faute d’inspiration, il fallait bien que je place un truc. De toute façon la journée de la femme c’est de la foutaise, dans trois jours, le 11, c’est la journée internationale de la plomberie, je suis pas certain que d’avoir la même considération que les plombiers fasse vraiment plaisir à la femme. Même si l’un dans l’autre, ou parfois même l’un sur l’autre, la femme et le plombier, ça se rejoint, en tout cas, j’ai souvent vu ça dans des films, enfin, ce que j’arrive pas à voir en entier…
Et le vrai problème de la femme, c’est justement le plombier. Aujourd’hui, le sexe, on l’apprend par les plombiers à la télé, plus que par les sentiments, la rencontre, le terrain. 80% des garçons et 45% des filles de 14 à 18 ans ont vu au moins un film X dans l’année, le sexe est banalisé par cet accès illimité et les premiers émois s’égarent dans des images éloignées de la réalité amoureuse. Il n’existe pas ce plombier visitant sa voisine, qui par un jeu de circonstances singulieres a justement laissé son mari au turbin, sa culotte au sale et sa vertu au propre comme au défiguré et PimPamBoum, la voilà, on ne sait trop comment, affublé de deux tubes de 30 en PVC galvanisé à gémir des trucs aussi abscons qu’un joueur de foot, oh oui, oh oui, merci Jackie et Michel, on reviendra, oh oui oh oui, ah non on avait dit pas là, oh oui oh oui, ah bon vous pensez que 4 ça rentre ? Ah bon ah bon ah bon… Voilà comment la jeunesse s’éduque au sexe aujourd’hui et comment on fabrique des armées de frustrés, de déçus, d’anxieux qui pensent qu’ils doivent faire tout pareil, d’angoissés qui ont peur de ne pas se sentir à la hauteur, à la longueur, et de filles soumises qui pensent qu’elles doivent autant se pervertir pour garder leur mec.
Le risque est de ne plus faire l’amour, mais de niquer, de devenir des djihadistes du sexe, destructeurs incultes du culte de nos antiques passions, fossoyeurs de nos ataviques belles émotions.
Toujours est-il que ce dimanche, journée de la femme ou du plombier, ce fut aussi ma fête, ma copine et moi, rescapés de nos vies éphémères, nous apprêtions, à un rapport lubrique et consentant, et pourtant c’est pas souvent qu’on s’entend avec ma copine. Pressé par l’urgence de la vie, hâté par la fin du monde, happé par la soif de vivre, je fis fi des préliminaires de circonstances et dans un élan de générosité excessivement mâle, ma main s’affaissa sur ses courbes fessues dans un claquement sec, exactement comme je l’avais vu dans ce film de plombier. Et là, ma copine, l’humeur subitement castratrice me dit « hop hop hop , mais qu’est ce que tu fais, t’es pas bien ? » tu devrais arrêter, tu sais que l’Europe va nous punir, plus de fessée, c’est pas possible.
Oh putain d’Europe, maugréais-je, depuis l’Euro, il est difficile d’avoir des rapports francs.
Bon, alors, me repris-je, tant pis, je suis chaud comme un Holland qui remplit son Gayet de vacances, tourne-toi que je mette le feu à tes incandescentes indécences. Et là, elle me fais « hop hop hop », tu sais que depuis ce matin, j’ai été obligé d’installer un détecteur de fumée, va falloir y aller mollo, avec tes incendiaires ardeurs.
Oh putain, maugréais-je de plus belle, l’Europe, elle commence à m’emmerder velue, nous obliger à mettre des détecteurs de fumée le jour où j’ai pris conscience que j’allais tous mourir, c’est un peu gâcher la journée de la femme…
Et là, sans doute parce que je maugréais trop fort, elle me dit, arrête de maugréer dans ton coin, et puis d’abord c’est quoi ce mot gréer que tu utilises sans cesse et que je sais même pas ce que ça veut dire, tu m’emmerdes à la fin, et puis moi j’ai faim, je vais me faire un Grec.
Oh, putain de grecs et d’Europe, m’insurgeais-je sans mot dire ni maugréer !
Laissé pour seul, je contemplais ma bite. La caressant admiratif devant cette technologie à la fois rustique et tellement remarquable, je m’émerveillais de ce que dame nature qui nous consumera pouvait offrir d’incroyable, tel cette chenille qui devient papillon, cette infime graine qui donnera tant de courgettes, cette abeille habile qui fertilise nos terres, caressant ma bite, donc, avec cet égarement béat, je lui murmurais : « je t’aime, tu sais, tu m’émeus tellement, Charly »  Oui, Je l’ai appelé Charlie. On m’a tellement reproché de dire trop de bite dans mes chroniques que depuis les événements du 7 janvier, je l’ai appelé Charly et même si elle arrive en milieu-fin de carrière, je me dis que, elle aussi, 7 millions de tirage, elle peut les atteindre.
C’est alors que ma copine revint et que j’ai pu enfin gaspiller en elle quelques dizaines de milliers de gosses dans le latex de nos ébats protégés, c’est bon, j’en ai 4, maintenant, ça suffit, pendant que nos corps sous la douche se louvoyaient, Charly dans sa bouche la vouvoyait, et vous voyez faire du 50 shades of Grey, c’est pas si compliqué.
Et là, elle prit une éponge, avec délicatesse nettoya mon Charly, et, surpris, je lui demandais « mais, mais que fais-tu». Ses yeux étaient brillants comme une lune sous la pluie de Novembre, fragile comme la vie, éclatants comme l’amour de ces enfants qu’elle m’a donné, elle me répond avec malice : «  ben, j’essuie Charlie ». Et là, j’ai pleuré.
On ne devrait jamais rien faire d’autre que de s’aimer avant de mourir. Et boire un coup.