Chroniques

Bioman

J’étais en train de m‘enfiler un bon faux-filet et sa sauce poivre lorsque de la radio surgit la terrible nouvelle. J’allais mourir. Mange du steak, tu auras un cancer du colon disaient-ils. Je savais même pas où c’était le colon, au nord sans doute, me souvins-je subitement à travers cette mélopée d’enfance qui me revint : au nord c’était les colons…
Car le rapport de l’OMS est sans appel. Manger de la saucisse et du steak est cancérogène ou igène, je sais plus, question de sémantique, peu importe, Le cancer Eugène, cancérigene, y’a plus de plaisir…
Alors voilà que je flippe, sans extra balle, derniers trous à visiter (cher auditeur, retiens ta vigueur obscène et ton ricanement salace, ceci n’est qu’une métaphore désespérée de ma vie qui n’est qu’une boule de flipper qui roule, qui roule, voiliers si tu as pas de skipper, tu coules, tu coules…, je reprends), derniers trous à visiter, bumpers, bumpers, une fourchette salvatrice, tac tac, gauche-droite, en sursis la boule repars mais si proche du game over, je tilte, il est là, le cancer de la bouffe, je vais mourir par cette bouche qui me nourrit et qui ne rêvais que d’amour et de baiser, je vais mourir par ce rectum, qui lui, n’a jamais rêvé de rien, mais bon, il est là, faut bien que je m’en accommode.
Ahah, mais salaud de cancer des enfoirés, tu crois que je vais t’inviter comme ça?
Et bien non ! Car pour te faire chier, cher cancer, et vivre le plus longtemps possible ma vie d’amour, de joie, d’enfants et de poésie, la semaine dernière, je suis allé au BIOCOOP. Et oui, monsieur cancer ! Je vais te le mettre bien de profundis, c’est toi qui va l’avoir le fion, ta propre tumeur, tel le serpent qui se mord la queue ce qui te distingue de moi qui me pends mort à ce qui me sert de queue. Mais je m’égare.

Je suis allé au Biocoop et c’est génial. Déjà bio, ça veut dire « vie » en latin. Et coop, j’en sais rien, mais très certainement, ça veut dire très très cher. Robocop, c’est un robot très très cher, par exemple. Syncope, j’imagine que ce sont des implants mammaires de luxe.

Bref, j’ai pris mon vélo, oui, le biocoop, c’est sans moteur, sinon, c’est pas cohérent, je vous rappelle que mon premier but dans la vie, c’est de ne pas mourir, donc je prends mon vélo, mon cabas et mon culot, me voici déguisé en bioman pour affronter la biogalaxy en fredonnant du biolay «si tu aimes les soirs de pluies mon enfant mon enfant, les ruelles de l’Italie et le pas des passants » .
Bio-depressif donc, je pousse la bioporte du biocoop et étrangement, un sentiment de bionheur palpite en mon cœur. C’est toujours une appréhension particulière que de découvrir un lieu intime et inconnu, une excitation fébrile. J’y reconnais la timide et maladroite approche que je peux avoir avec une femme affable m’invitant en son sein, j’ai peur, je me tâte, pas à l’aise, d’autant plus qu’un biocoop c’est pas très grand et tout le monde semble se connaître, semble être l’ami des animaux, de la nature et des cheveux enduits à l’huile d’argan qui certes les nourrissent avec efficience mais dont l’effet gras m’interpelle quelque peu. Tout le monde à l’air gentil, le sourire bio, l’empressement modéré, la colère couvée, les étals font envie, les distributeurs en vrac de riz multiples, de pâtes diverses, de céréales molles abondent et nous invite à nous y abandonner, je commence à me faire accepter par la chaleur de cette demoiselle échoppe, au point de me sentir transporté un instant au pays des biosounours. Je suis heureux, me semble-t-il.

Pour ma première expérience, ne sachant pas si je pouvais payer en 4 fois sans frais, j’ai voulu m’acheter de quoi me faire un petit déjeuner bio.
Bon, me faut du lait. Oups. Première difficulté. Mille laits s’offrent à moi. Lait de riz, de millet, d’épeautre, Noisette, Soja, Amande, Avoine, il n’y a donc pas que les vaches et les mamans qui font du lait ? Bon, entre 2 euros et 3 euros la bouteille, je me dis que je vais en prendre qu’une, ça revient quand même cher le litre quand on découvre que ces boissons contiennent presque 80 % d’eau et seulement 10 % d’avoine.

Je poursuis mon road biovie à la recherche d’un peu de sucre, je trouve pas, je demande à un vendeur, « bonjour monsieur, je cherche le sucre », ce à quoi elle me répond dans un tutoiement de circonstance : «alors si je peux me permettre je te conseille le sirop d’agave, c’est super diététique et très doux pour la gorge » « Est-ce que t’as mal quand tu sucres ? ». L’humeur badine je lui ose un « je ne sais pas, sucrer c’est tromper », qui la laissa coi, puisqu’en fait il s’agissait bien d’une dame malgré sa moustache écologique, qui la distingue très nettement d’une vendeuse d’une grande surface pas bio, toutes calibrées, fraîches, sans aspirité apparente, pesticidé à la vie est belle de Lancôme, aux notes d’Iris et de Jasmin, j’aime bien aussi. Déconcerté, je pris la menue bouteille de sirop étiquetée d’un étonnant 6 euros 50 et filais rejoindre le charcutier à que je pris une demi-tranche de jambon blanc venue tout droit d’un cochon certes local, mais à priori, super mort. Comme un con, j’ai toujours pensé qu’un animal bio, devait toujours être vivant pour être consommé, mais je me suis vite rendu compte que c’était pas possible. N’empêche qu’à 40 euros le kilo de jambon blanc bio, ton cancer rectal, tu le favorises, certes, mais tu le cotises aussi.

Poursuivant mon périple, je découvre dans les allées avec sourire qu’ils font aussi des tampons bios et des couches bios. Roooo, les salauds, ils savent bien te faire peur pour vendre leur truc sur internet : « Les couches ordinaires contiennent des produits potentiellement dangereux pour votre bébé comme du benzol, de la dioxine, du tybutil étain qui pourrait nuire au système immunitaire et hormonal de bébé »… Merde, Lulu, pardon, je suis un monstre !. Et ils ajoutent « de plus, ça pollue pas, vous pouvez utilisez nos couches biodégradables souillées dans votre compost pour les parents qui ont un jardin et qui le cultive de manière bio ». Le pote qui me fait bouffer des tomates semées dans un terreau de couches bio de son fils, pote ou pas pote, je l’étripe.
Bref, j’ai fini mes courses, j’ai pris du café équitable, du jus d’orange en carton recyclé, une vraie pomme très moche et pas calibrée (et ça c’est chouette), du pain d’épeautre, j’étais très heureux. Je suis passé à la caisse, j’étais très malheureux.
Car oui, le bio, c’est classe, mais c’est cher. Et moi, je lutte des classes et le cher.

Comment vanter une idéologie inaccessible pour beaucoup de monde ! A moins d’avoir TOUS un salaire bio ?
Le bio, c’est 2 % des terres cultivées en France, et 5 milliards de chiffre d’affaires en 2014, y’en a bien qui en profite ! y’aura jamais assez de terres pour nourrir tout le monde en bio, mais toujours assez de bio pour nourrir les industriels. Le bio est déjà perverti, récupéré, c’est une image qu’on nous vend, du terroir, des valeurs, un retour à la famille pour mieux sucer notre blé, sans OGM celui-là. Vous savez quoi, grâce à l’adoucissement de la norme AB en Europe pour satisfaire le bio intensif, un poulet bio peut être aujourd’hui alimenté avec des farines industrielles venues d’ailleurs et élevées dans des poulaillers géants. Seule différence avec le poulet ordinaire : Le poulailler bio ne doit pas excéder 25,600 places. AHAHAHAHA, il se gausse bien dans sa barbe mon cancer du trou du cul !

Et je serais pas très étonné que dans bientôt, on trouve des logiciels anti-pesticides dans la courge bio, comme dans les golfs Diesel, ou comme dans François Holland qui a un sans doute un logiciel anti-droite pour nous faire croire qu’il est de gauche, c’était tellement bon de nous mentir, de nous faire peur, tellement rentable. Tout le temps ! On m’a même affirmé que faire des enfants c’était super chouette, du coup, j’en ai fait 4 ! Alors que merde, les faire, c’est aussi criminel que de manger un steak, puisque par ma faute, ils vont aussi mourir ! Je n’en peux plus de la mort, de la peur de la mort, qu’on me persécute, alors laissez-la-moi choisir, ma mort, laissez-moi me suicider à grand coup de steak haché frites, de saucisse de Morteau, de fromage qui pue, de pinard qui sulfite bon la vigne, de raisin pas bio du maraîcher du coin !!! Qu’on ait tous à manger décemment, et on en reparle, le bio c’est certainement bien, mais je ne suis pas bio, et je vous avoue ma peur qu’un jour on me demande « moi, je veux bien bouffer ta bite, mais elle est bio ? » Noooon, qu’on me laisse en paix, je veux juste manger mon petit steack, et regarder mes enfants grandir, sans peur ou sans me sentir coupable, bio ou pas bio, je partirai à l’heure qui sera la mienne, bien trop tôt quoi qu’il en soit. A bio entendeur, salut.