Chroniques

Les droits de Camille

Camille ! C’est papa à la radio ! Tu me vois ? Je suis à la radio dans un festival de marionnette ! Camille, mon fils, ma bataille, le fruit de mes entrailles ! je t’expliquerai plus tard comment on fructifie les entrailles des mamans, tu n’as encore que 4 ans…

Oui, Camille, ton papa est à marionnettissimmo, le paradis des enfants, des scrabbleux et des consonnes doubles pendant que ton père consomme triple.

Le jour même de la journée internationale des droits de l’enfant, c’est pas beau, ça ? Bon, c’est vrai, le 20 novembre c’est aussi la journée mondiale du souvenir trans, la journée nationale contre l’herpès et également celle de la trisomie 21 et de la qualification des bleus pour le Brésil. Brésil – Trans – herpès. Foot et trisomie21, la même journée, quelle cohésion !

Le jour des droits de l’enfant, Papa est chez les marionnettes, Camille ! Et La France à Rio, ohohoh, quand tu souris, je m’envole au paradis, c’est jour de joie, non ?

Ben non, Camille. Même si ce soir je suis payé au nombre de fois que je cite ton prénom et que ça va leur coûter cher à Marionnettissimo et que tu l’auras ton RoboCar Poli Hélicoptère, Camille, Camille, Camille, et que la vie te semble belle, le plaisir que j’ai pris à te concevoir contraste tellement avec mon tourment de te voir grandir dans cette époque cruelle et exsangue.

Je dois te l’avouer, c’est pas bien marrant ici. Ce monde où les marionnettes sont obligées de faire de la politique à la télé pour faire rire, ce monde où même les clowns se sont fait dérober leurs beaux nez rouges par des Bretons en colère.

Mon garçon, je te demande pardon pour ce sombre espace offert et ces années déjà perdues d’avance. Il va falloir être fort, costaud et bien couillu pour t’en sortir, même si, sur ce dernier point, tu tiens de ton père et tu n’auras pas trop à t’en faire.

C’est la journée des droits des enfants, alors profite et suis mes conseils !

Aies le droit ne de jamais fréquenter un hashtag. Quand j’étais petit, avant de dire une connerie, je tournais 7 fois la langue dans ma bouche et plus tard dans celle de ta mère. Aujourd’hui, on tweete, on insulte, on méprise sans délai, on regrette, on retire, aujourd’hui, si tu veux exister, faut dégainer et tu twittes et tu likes, tu instamgrammes ou bien tu crèves.

Je voudrais que tu aies le droit de prendre le temps et de bouder aussi Facebook. Autrefois il fallait attendre 5 délicieuses années pour que Francis Cabrel nous raconte la suite de cette tendre histoire de ce châtaigner tombé amoureux d’une échelle en bois il y a trois automnes de cela avant de s’abandonner enfin dans le murmure des passions. Aujourd’hui sur Facebook, tu auras 15 notifications par jour, 3 invitations et 15 nouveaux « j’aime » dans le fracas de tes angoisses. On ne prend plus le temps de s’aimer sous les échelles des châtaigniers, on partouze dans l’abondance des informations, toutes s’avalent entre elles, on passe de l’une à l’autre en oubliant la précédente et en appréhendant la suivante avant de leur cracher à la gueule un soupir de jean-foutre maculé d’un réconfort vain, jamais assouvi.

Dans quel drôle de monde, je t’ai imaginé, mon fils…

Je voudrais que tu aies le droit de dire stop à ces chercheurs japonais qui n’ont rien d’autre à faire que de mesurer la longueur réelle du terrain de foot de Olive et Tom, que je regardais quand j’avais 13 ans sur Youpi l’école est fini, puis sur Dorothée, oh oui, que j’aimais être sur Dorothée… Et bien le terrain de foot d’Olive et Tom, s’il était réel, ferait 18 km de longueur et les joueurs y attendraient une vitesse de 150 km/heure… Mais ça intéresse qui ?

Je voudrais que tu aies le droit de ne pas te satisfaire de ce rien qu’on te propose. Avant on chantait et 1 et 2 et 3 zéro quand on battait le Brésil pour être champion du monde, aujourd’hui on mouille sur un 3 zéro quand on bat la faible Ukraine dans un match de barrage. Même les joies du peuple sont en crise, bradées, soldées.

Tu as le droit d’aller à l’école et de ne jamais jouer au PSG pour faire grève parce que tu gagnes tellement d’argent que t’as pas envie d’en donner aux autres. Tu sais, 45.000 euros par mois, c’est le salaire moyen d’un joueur de football en ligue 1. Tu comprends ça, Camille ? C’est comme si tu passais tes journées à courir dans le jardin avec ton ballon Tchoupi, en gagnant, j’ai fait la conversion, 96 doudous (à 15 euros pièce) par jour, Camille, un joueur de foot de Ligue 1, en moyenne, gagne 96 doudous par jour ! Puis ils font un dodo de plus, et hop, 96 autres doudous !

Et encore si t’es pas content, tu pourras aller en Angleterre ou en Espagne pour voir si tu peux pas gagner 50 doudous de plus par jour !… C’est l’escalade du doudou. Plus tu auras de doudous, plus tu en voudras !!! Ici, y’a des millions de crève-le-doudou, de doudou sans abris, de doudou sans papiers, mais quand tu seras footballeur, ce seront tes doudous ! Qu’à toi !!! Et en plus les gens défileront sur les Champs-Élysées pour crier ton nom en oubliant que les doudous qu’ils n’ont pas, c’est toi qui les a.

Aujourd’hui mais demain encore, tu as le droit de t’indigner et de baisser tes 4 plus petits doigts et de garder en l’air ton plus grand, pour dire fuck à ce racisme ordinaire qui aujourd’hui se décomplexe à la vitesse d’Olive et Tom sur un terrain de 18 kilomètres. Fuck, Camille, c’est comme Donald Duck, mais avec un F, comme dans Flamby.

Je voudrais enfin que tu aies le droit de me détester pour toutes ces chansons débiles que je te chante depuis 4 ans !!

Pardon pour tous ces Ainsi font font font les petites marionnettes. C’est quoi ce verbe fonfonfaire ? Je fonfonfe, tu fonfonfes, que je fonfonfasse… Comment veux-tu apprendre à bien manier la langue de Molière si déjà, dès les premiers balbutiements on te raconte n’importe quoi. Les marionnettes ne fonfonfent pas, Camille, elles tournent, elles chantent, elles virevoltent, elles onirisent, elles ironisent, mais jamais, elles ne fonfonfent. Les souris ne sont pas vertes, les petits navires ont tous et sans exception au moins une fois navigué, les crococos, le crococos, les crocodiles ne sont jamais partis à la guerre combattre des éléphants en disant au revoir à leurs petits enfants sur le bord du Nil. Mais n’en parlons plus, on a vraiment la jeunesse qu’on mérite…

Et pardon pour tous les Barbapapa, Léo et Popi, Oui-Oui, Babar, Trotro, que ta mère et moi t’infligeons. Oui tu as le droit de réclamer une autre culture et c’est pourquoi samedi à 11h à Ramonvillle, on a réservé l’Opéra Vinyle, y’aura des marionnettes et de la musique, de la vraie diversité culturelle, et en plus c’est chouette de faire de la pub dans mes chroniques, ça me rapporte aussi pas mal de doudous, tu sais…

Tu as le droit Camille, tu as le droit de faire tout ça. C’est ta journée ! Habille-la de fête et éclaire-la comme tu m’enflammes chaque jour de ta présence, de tes caprices et de ton amour.

Allez Camille, c’est fini, papa a terminé son papier, tu peux rentrer à la maison avec ta mère. C’est la journée des droits de l’enfant, mais tu dois aussi avoir des devoirs, hein ? Oui, à 4 ans, et alors !!!! Je te rappelle que c’est aussi la journée de l’herpès, et que par solidarité je veux y contribuer en finissant quelques verres avec mes potes avant que la journée se termine. Moi aussi, j’ai des droits…

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